Par Anthony Leroy
jeudi 29 avril 2021
Anthony Leroy est Maire-adjoint de Bromont-Lamothe, commune rurale de moyenne montagne d’environ 1 000 habitants située dans les Combrailles (63), aux portes des volcans d’Auvergne. La gestion durable de la commune est l’une de ses différentes délégations.
PF21 : Vous êtes chargé de la gestion durable de votre commune, qu’entendez-vous par « gestion durable » ?
Anthony Leroy : Notre exécutif municipal a décidé d’appréhender l’avenir en tant que gestionnaire d’un territoire, rôle beaucoup plus large que celui d’aménageur. Notre commune est aménagée, elle n’a pas besoin de gros aménagements. L’important aujourd’hui, c’est de gérer durablement ses acquis, son patrimoine… j’entends par là ses équipements, ses bâtiments, ses infrastructures, etc. La gestion durable, c’est utiliser, faire fonctionner et valoriser ce patrimoine de manière économe, tout en générant du progrès social et en veillant à préserver voire à améliorer la qualité de notre environnement.
PF21 : Votre Plan communal de développement durable doit donc être la feuille de route qui planifie vos actions pour atteindre ces trois objectifs ? Une sorte d’Agenda 21 ?
A.L. : Tout à fait. Le PCDD est un plan d’actions à l’horizon 2026. Il indique quels résultats concrets nous voulons atteindre, à quelles échéances et comment. Au départ, en 2020, il présentait des idées de projets opérationnels pour illustrer ce « comment ».
La différence avec les Agenda 21 – ou les Agenda 2030 qui ont pris leur relève depuis 2015 en incluant les 17 ODD promus par l’ONU – c’est que nous ne nous appuyons pas sur une démarche définie au niveau national. Nous avons défini nous-même notre démarche, nous ne visons pas de labellisation mais juste une gestion durable de la commune. Notre démarche traduit l’engagement politique de l’équipe, mais c’est une démarche volontaire, comme pour les Agendas 21.
PF21 : Où en êtes-vous de son élaboration et comment est-elle conduite ?
Pour élaborer les grandes lignes du PCDD, nous nous sommes appuyés au départ sur les échanges que nous avons organisés avec les citoyens, avant et pendant la campagne municipale de 2020. Le plan a d’ailleurs été l’une des actions phares de la campagne.
Après avoir été élus, nous avons créé une commission « gestion durable » et je tiens ici à remercier mes collègues pour leur implication. Dans cette commission, les élus co-construisent le PCDD, chacun étant porteur de compétences différentes interdépendantes, ce qui permet d’appréhender les problématiques dans leur transversalité.
La commission a récemment terminé l’élaboration du Plan. Elle vient de le présenter et de le soumettre au Conseil municipal pour validation, après avoir décidé des adaptations à apporter pour répondre au mieux aux besoins de la commune et de ses habitants, en tenant compte des marges de manœuvre de la collectivité.
Au final, la collectivité disposera ainsi d’une feuille de route pour développer ses actions jusqu’en 2026, avec des objectifs, un programme d’actions et des indicateurs de suivi. Nous évaluerons les résultats chaque année tout au long du mandat. Il y aura donc des points d’étapes réguliers, lors desquels nous rendrons compte des avancées auprès des habitants.
PF21 : Le PCDD doit être un excellent outil de communication pour sensibiliser les habitants aux enjeux du territoire et faire comprendre votre action ?
Oui, l’un des intérêts du PCDD, c’est de rendre plus visibles et lisibles les actions planifiées, mais aussi ce qui les relie, c’est-à-dire la cohérence globale de notre programme qui touche à des thématiques variées, pensées dans la transversalité comme je le disais tout à l’heure.
Notre commune, même si elle est petite, présente de nombreux atouts en faveur du développement durable et nos habitants doivent en être conscients : c’est une commune jeune et dynamique, qui a connu un regain démographique important depuis la création de l’échangeur de l’autoroute A89. Elle bénéficie d’un tissu associatif très fort, avec plus de 20 associations pour 1 000 habitants. C’est aussi un territoire attractif d’un point de vue touristique, avec ses paysages de moyenne montagne, son plan d’eau, son inscription parmi les communes de la zone Unesco « Chaine des puys - Faille de Limagne ».
PF21 : Justement, quels chantiers prévoit à ce jour votre PCDD ?
L’un de nos premiers chantiers vise à faire des économies sur nos dépenses d’énergie, pour injecter ensuite l’argent économisé dans des projets d’investissements.
Nous avons demandé à un bureau d’études de nous fournir un état des lieux de la performance énergétique de nos bâtiments communaux et des propositions pour l’améliorer, qu’il s’agisse de l’éclairage, du mode de chauffage, de l’isolation... Nos consommations d’énergie actuelles sont enregistrées et serviront de repère pour évaluer les progrès réalisés au fur et à mesure de l’avancée de nos projets d’amélioration.
Nous souhaitons également travailler sur l’éclairage public. Notre commune est éclairée dès la tombée du jour jusqu’au lendemain matin. Nous allons engager une réflexion concertée avec les habitants sur des options de réduction d’éclairage, pour réduire notre facture d’électricité mais aussi les impacts négatifs de l’éclairage sur la flore et la faune nocturne. C’est notre contribution à la biodiversité, à la trame grise ou noire qui s’ajoute à la trame verte et bleue.
PF21 : D’autres projets dans d’autres domaines que celui de l’énergie ?
Oui, nous avons des projets en lien avec l’écotourisme. Nous allons par exemple réaménager le plan d’eau d’Anschald, en rendant le site plus attractif, tout en préservant l’environnement. Il est notamment prévu de travailler sur l’accueil des usagers et sur les cheminements pour profiter du site dans les meilleures conditions pour les visiteurs, mais aussi pour la préservation et la mise en valeur de l’environnement.
L’agriculture et la forêt étant très présentes dans notre commune, des actions s’y rapportent bien entendu dans le PCDD. Nous lançons prochainement un marché de producteurs dans l’objectif de valoriser les productions locales.
Et pour nos forêts communales, nous souhaiterions réfléchir avec l’ONF à des modes de gestion mieux adaptés au dérèglement climatique, avec des mélanges d’essences plus résistantes aux aléas climatiques et aux maladies ou parasites.
PF21 : Vous intégrez la dimension sociale dans la gestion durable d’une commune, aussi, pourriez-vous nous donner quelques exemples d’actions dans ce domaine, prévues par le PCDD ?
Le PCDD comprend un volet social, qui a donné lieu à la signature d’une convention entre la municipalité et le CISCA, le Centre d’Innovation Sociale de Clermont Auvergne. Le CISCA va nous accompagner sur différents projets, dont la mise en place d’un budget participatif ou encore par exemple, la mise en place de jardins partagés en favorisant les liens intergénérationnels.
PF21 : Un budget participatif ?
Il s’agit de faire émerger des projets portés par les habitants, qui seront analysés par la Municipalité pour en évaluer la pertinence au regard de l’intérêt général. Les projets lauréats pourront alors bénéficier d’un financement de la commune couvrant tout ou partie des investissements nécessaires à leur réalisation.
Le CISCA va nous aider à organiser des temps d’échange de pratiques et à mettre en place ce projet participatif. Nous lancerons ensuite un appel à projets à destination des habitants, pour recueillir leurs propositions. Il faudra bien entendu les sensibiliser en amont, aller à leur rencontre pour leur expliquer la démarche et ses enjeux.
Nous pourrions travailler sur d’autres innovations sociales, en matière de résilience territoriale. En fait, la dimension sociale est en tout, c’est un enjeu très transversal. Par exemple, on peut le relier à l’éducation et à l’alimentation. C’est ce que nous allons faire en créant un jardin pédagogique dans notre école communale. Les enfants vont apprendre à créer et entretenir un potager, en lien avec différentes associations de la commune , qui viendront partager leurs savoirs et savoir-faire. Ces relations transgénérationnelles sont essentielles pour resserrer les liens entre habitants, surtout à l’échelle d’une petite commune rurale. La petite production issue du jardin sera ensuite valorisée par la cantine scolaire, ce qui amènera à réfléchir aux réalités et multiples intérêts des circuits courts.
PF21 : Comment la PF21 et ses adhérents peuvent-ils contribuer à la réussite de votre démarche ?
La Plate-forme 21 nous a déjà été très utile, car c’est à la Plate-forme 21 que j’ai puisé des idées pour développer le PCDD.
Très sincèrement, les interventions d’experts et les retours d’expériences d’acteurs très divers, comme les événements et groupes de travail auxquels j’ai participé, ont été pour moi des laboratoires d’idées et des sources de réflexion qui ont nourri indirectement le PCDD.
A l’avenir, dans une perspective d’évaluation, j’aimerais pouvoir échanger avec les autres adhérents en mettant en débat ce PCDD dans le cadre de « regards croisés ».
J’aimerais aussi beaucoup associer ma commune au nouveau projet d’expérimentation que la Plate-forme 21 est en train d’initier avec Erasme, le Centre d’Excellence Jean Monnet sur le développement durable. Cela nous permettrait de tester des outils d’aide à la décision qui facilitent l’approche intégrée du développement durable, pour renforcer notre approche transversale des problématiques.
CONTACT :
Mairie de Bromont-Lamothe : tél. 04.73.88.71.16.
Anthony LEROY : anthony.leroy@bromont-lamothe.fr
Site web : http://www.bromont-lamothe.fr/